Un reportage Mobil'idées.
Il convient en effet de parler de gestation difficile pour cette auto qui était destinée à accueillir dans ses entrailles une mécanique 2 litres proposant des performances au moins égales à celles de la Traction. C’est l’équipe de Fernand Picard, à la base de la 4CV, qui a mené le projet. Et comme pour cette petite auto très populaire, il était prévu d’implanter le moteur à l’arrière.
Différents prototypes étaient réalisés, permettant notamment de s’apercevoir qu’un moteur en position arrière, cela ne sert pas l’habitabilité du véhicule ! Résultat : Renault repartait d’une feuille blanche, avec pour mot d’ordre de remettre la mécanique à l'avant. Et il y avait clairement urgence, au cœur d’une période où l’industrie devait se concentrer sur l’armement, en plein conflit en Indochine. A tel point que tout développement de nouvelle voiture allait tout simplement être… interdit !
Résultat : la Frégate faisait son apparition, à peine terminée, à Paris le 24 novembre 1950, avec un style, conventionnel pour l’époque, qui n’a pas manqué de séduire. Plusieurs prix d’élégance salueront même cette naissance sur les chapeaux de roues ! Et comme l’habitabilité était conséquente, six personnes pouvant prendre place sur les deux banquettes, les premières critiques étaient clairement positives !
Mais, car il y a un mais… Dans sa course contre la montre, Renault avait présenté une voiture loin d’être terminée, et ce sont des clients et des agents de la marque qui allaient en poursuivre le développement sur la route ! Ce qui signifie que la vraie présentation de la Frégate a eu lieu au Salon de Paris 1951, tandis que sa construction allait avoir lieu dans l’usine de Boulogne-Billancourt, où une ligne de production était aménagée à la hâte.
Avant la fin de l’année, les première Frégate étaient livrées, et c’est le baron Surcouf, descendant du légendaire corsaire, qui héritait du tout premier exemplaire !
Assez rapidement, une gamme allait faire son apparition, avec des variantes Amiral et Affaire. Et le succès commercial était clairement au rendez-vous, avec près de 40.000 exemplaires écoulés au cours des deux premières années. Avec une soixantaine de chevaux pour 1230 kilos, la Frégate n’avait pourtant rien d’un foudre de guerre. Une aérodynamique soignée lui permettait néanmoins d’atteindre les 130 km/h et de proposer une consommation raisonnable.
Le principal souci allait néanmoins se situer côté fiabilité. Très vite, les pannes se multipliaient, et les médias s’en donnaient à cœur joie. En 1953, Renault rappelait d’ailleurs toutes ses Frégate, pour procéder au changement de certaines pièces qu’un développement express avait empêché de soigner !
Au gré d’opérations marketing presque avant-gardistes, la Régie Renault allait pourtant récupérer le coup de la fiabilité douteuse. Coup du sort, Pierre Lefaucheux, PDG de Renault, trouvait accidentellement la mort au volant d’une Frégate en février 1955, alors qu’il se rendait à son volant en direction de Strasbourg !
Pendant ce temps, chez Citroën, la DS avait remplacé la Traction, tandis que Peugeot débarquait avec sa 403. Renault devait donc faire évoluer sa Frégate, et c’est en 1956 qu’apparaissait une deuxième génération, représentée par notre modèle d’essai, caractérisée par une ligne évoluée, mais surtout par un moteur plus moderne et plus performant ! Domaine, Grand Pavois, les nouvelles versions fleurissaient. Et les innovations aussi…
La voiture que vous avez sous les yeux est d’ailleurs une Frégate Transfluide, du nom d’une boite de vitesses semi-automatique disposant de plusieurs types de rapports, baptisés ville-route, montagne ou exceptionnel ! Quant au moteur, il développait désormais 80 chevaux.
Si l’évolution technique était intéressante, en 1958, la carrière de la Frégate était hélas sur une pente descendante. A tel point qu’au printemps 1960, le modèle ne figurait plus au catalogue. Au total, ce sont plus de 180.000 exemplaires qui auront été produits, ce qui signifie que la Frégate n’est pas parvenue à prendre le dessus sur la concurrence…
Aujourd’hui, la Renault Frégate est une voiture assez peu courante sur le marché des anciennes. Ce qui la rend finalement encore plus attrayante, surtout quand on se retrouve avec un exemplaire aussi séduisant que celui-ci…