La saga Lotus, c’est avant tout celle d’un homme : Anthony Colin Bruce Chapman, dit Colin Chapman. Un visionnaire passionné de sport auto, qui a rapidement permis à Lotus de truster les victoires et les titres en Formule 1. Jim Clark, Graham Hill, Jochen Rindt, autant de noms liés à Lotus. Mais Chapman, c’était aussi des voitures de sport, des kit-cars comme la légendaire Seven, et des modèles destinés à un usage routier. Dans les années ’60, si l’on excepte l’un ou l’autre dramatique accident en course, tout roule pour Lotus… si ce n’est que l’Elite, premier modèle routier de la marque avec un toit, n’apporte pas la satisfaction escomptée à Colin Chapman. En fait, elle n’est tout simplement pas rentable. De quoi décider Lotus à passer à autre chose…
Et cet autre chose, c’est l’Elan ! Qu’il convient de qualifier de voiture plus conventionnelle, sous la forme d’un cabriolet sportif à la fois confortable et bien équipé, mais surtout simple et efficace. C’est ainsi que la caisse porteuse en fibre de verre de l’Elite cédait la place à un châssis on ne peut plus classique, avec une poutre métallique et deux structures triangulaires à chaque extrémité. Les suspensions et la direction étaient un mélange de choses existants dans le catalogue des voitures britanniques et de systèmes ‘à la Chapman’, tandis que les quatre roues étaient pourvues de disques de frein.
L’Elan devait être simple et efficace, mais aussi belle. C’est Ron Hickman qui s’est chargé de la ligne de ce roadster proposé avec un hard-top. Et le résultat est tout simplement brillant, typique des années ’60, avec des phares pop-up qui basculent vers l’arrière grâce à un système de dépression. Aérodynamiquement, l’idée est excellente.
Issue du catalogue Ford
Sous le capot, l’Elan marque le début de la collaboration de Lotus avec Ford. Qui sera faite pour durer. Le 1500cc à l’ovale bleu est retravaillé par Chapman, qui en tire une centaine de chevaux à 5500 t/min. Le tout accouplé à une boîte de vitesses, elle aussi issue du catalogue Ford.
C’est en 1962 que l’Elan prend la route, et très vite, Colin Chapman veut gagner en performance. Moteur, freins, écrou central en option pour chaque roue, tableau de bord en bois, l’Elan veut séduire. Elle se dote ainsi d’une version SE, pour Special Equipment… avec une mécanique qui grappille quelques chevaux supplémentaires. Et pour ceux qui veulent économiser tout en roulant en Elan, il est possible d’acquérir l’auto en kit, à monter soi-même !
Avec l’Elan, Chapman parvient à ses fins. Accusant moins de 650 kilos sur la bascule, la Lotus atteint les 100 km/h en 9 secondes à peine, avec une vitesse de pointe de 180 km/h ! Il n’en fallait évidemment pas plus pour que certains clients décident d’aligner leur Elan en course… alors que la compétition n’était pas le but premier de cette auto !
Il n’empêche, Lotus reste Lotus, et l’Elan est rapidement modifiée pour gagner en efficacité en compétition. Des champions tels que Jim Clark ou Jackie Stewart s’illustrent à son volant, tandis que Colin Chapman modifie les freins, les triangles de suspensions, les barres antiroulis, tout en permettant la monte de roues plus grosses. Quant au moteur de l’Elan, il se complète de pièces signées Cosworth ou BRM, ce qui donne une version 26R à destination des équipes privées. Des autos qui vont remporter un nombre incalculable de victoires dans leurs classes… ou au classement général ! C’est toujours le cas aujourd’hui dans les compétitions historiques.
Avec la bosse sur le capot
Mais revenons à la version routière. 1964 voit l’apparition d’une Elan S2, avec des équipements plus riches… et un poids revu à la hausse. Suivront la S3 en 1965, avec une puissance atteignant 126 chevaux pour la version SE, et le cap des 200 km/h qui est effleuré. Après une version Elan +2, permettant d’embarquer deux adultes et deux enfants par l’adoption d’un empattement plus long et des voies plus larges, mais dont le look parait moins réussi, la S4 fait son apparition. Il s’agit du type de notre voiture d’essai. Avec cette fois ces carburateurs Zenith-Stromberg en lieu et place des Weber, de quoi faire apparaitre la bien connue bosse sur le capot, des feux arrière modifiés, des passages de roues élargis, mais aussi des essuie-glaces à deux vitesses, un lave-glace électrique, des appuie-têtes, etc.
La fin de l’histoire passera en 1970 par une Lotus Elan Sprint, dont la livrée bicolore, rouge et dorée, rappelle la couleur des F1 de l’époque, sponsorisées par Gold Leaf.
La carrière de la Lotus Elan s’étale donc sur plus de 10 années, et même si Colin Chapman avait décidé d’en faire une voiture de route, le modèle n’a jamais pu renier ses origines et le monde de la course.
C’est en 1976 qu’apparaitra officiellement la remplaçante de l’Elan, l’Esprit, aux dimensions plus imposantes. Il faudra néanmoins attendre la naissance de l’Elise, bien des années plus tard, pour retrouver… l’esprit de l’Elan !
Au total, ce sont près de 15.000 Lotus Elan – chiffre non-officiel – qui ont été produites. De façon rentable ! Il convient donc de parler d’une vraie Success Story, avec pour conséquence que les Elan sont des denrées très recherchées de nos jours, que ce soit pour un usage routier… ou en compétition. Bon sang ne saurait mentir…