Au cœur des années ’70, chez Porsche, la situation est on ne peut plus limpide : tout tourne autour de la 911 ! Une tendance mettant certes en évidence l’image fabuleuse du modèle, mais commercialement, certaines têtes pensantes de la marque souhaitaient passer à autre chose. Et pendant que la mythique 911 poursuivait une carrière faite pour durer très longtemps, au point de paraître éternelle, en coulisses, on s’activait… Dans la foulée d’une Porsche 924 aux performances plus modestes, le projet 928 connaissait une longue gestation. Il a en effet fallu près de 10 ans pour que Porsche concrétise ses ambitions de voiture puissante à mécanique à l’avant ! Lors du Salon de Genève 1977, la 928 était présentée officiellement. Et dès le premier coup d’œil, il était clair que cette 928 constituait une rupture radicale avec la sacro-sainte 911 ! La preuve par une ligne alors novatrice, voire avant-gardiste, de nature à ne laisser personne indifférent, doublée d’une mécanique V8 de 4,5 litres affichant 240 chevaux, et d’un équipement de série très riche, incluant la direction assistée, la fermeture centralisée des portes, la climatisation, etc., etc. Le design de la 928, en dehors des normes de l’époque, on le doit à un ancien de la… General Motors, Anatole Lapine ! Partisan des grandes surfaces vitrées, mais aussi des phares couchés, façon Lamborghini Miura ! Comme souvent en pareil cas, le résultat est très séduisant… mais aussi très différent une fois que ces phares sortent de leur cachette ! Certains aiment, d’autres moins. Soit. Et les premières impressions sont bonnes, dès l’instant où à peine sortie, la Porsche 928 est sacrée Voiture de l’Année 1978 ! Et un tel titre décerné à une voiture à tendance sportive, cela reste exceptionnel. Avec sa répartition des masses idéale entre les deux essieux, sa boîte manuelle à 5 rapports ou automatique à 3 vitesses, ses pare-chocs intégrés… et déformables, son train arrière révolutionnaire visant à combattre le survirage, il est vrai que la 928 regorgeait d’atouts ! D’autant que Porsche a eu de la suite dans les idées, présentant dès 1979 une 928 S dont la puissance est poussée à 300 chevaux. Le début d’une impressionnante série d’évolutions, dès l’instant où la 928 a été produite pendant près de 18 ans, au gré de versions S2, S3, S4, GT et GTS, pour en arriver à la présence dans ses entrailles d’une mécanique de 5,7 litres donnée pour 350 chevaux. Dans tous les cas, le bloc est resté un V8 faisant de la résistance auprès d’une clientèle ne jurant que par le légendaire Flat 6 de la 911. La conduite de la 928 est sans surprise. Et franchement onctueuse. On a ici à faire à un 8 cylindres qui ne cherche pas à faire parler la poudre, mais plutôt à permettre à son propriétaire d’aligner les kilomètres dans les meilleures conditions. L’explication d’un certain manque de caractère côté mécanique est à trouver dans la période de gestation du modèle, en pleine crise pétrolière. Les puissances débridées et les moteurs ingurgitant de grandes quantités de carburant n’étaient pas dans l’air du temps. Quand bien même cette auto de plus de 1500 kilos consommait en moyenne, et en usage normal, une bonne quinzaine de litres aux 100 ! Il est vrai que l’engin pouvait croiser jusqu’à 270 km/h ! En fait, la Porsche 928 ne manquait nullement de points forts pour convaincre et séduire. Son seul défaut était sans doute d’appartenir à ce que d’aucuns appellent les PMA, les Porsche à moteur avant ! Au même titre que les 924, 944 et 968. Des modèles parfois boudés, souvent ignorés, voire négligés par les amateurs de la marque ne jurant que par la 911 ! Résultat : A l’instar de ses sœurs, la 928 a parfois mal traversé le temps, tendance que cet exemplaire ne confirme nullement. C’est en 1995 que Porsche a définitivement cessé la production de la 928, dont les derniers modèles ont été assemblés à la main. Au total, près de 61.000 exemplaires ont été lancés sur les routes. Et il a fallu attendre l’arrivée de la Panamera pour voir Porsche renouer d’une certaine façon avec la philosophie qui avait prévalu au moment d’imaginer la 928, celle d’une voiture de Grand Tourisme à tendance familiale. (Vincent Franssen)