Yves-Henri Leleu : " Pourquoi les hommes sont-ils plus riches que les femmes? "

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Pourquoi les hommes sont-ils plus riches que les femmes? Comment se fait-il que, dans une société où des lois existent en matière de parité, les inégalités de patrimoine augmentent entre les hommes et les femmes? On fait le point avec Yves-Henri Leleu.

Les inégalités de revenus entre les hommes et les femmes sont connus et s'amenuisent. Aujourd'hui, la différence salariale n'est plus que de 6% à 8% entre les hommes et les femmes par heure travaillée. Mais ce sont encore les femmes qui interrompent plus souvent leurs carrières ou travaillent à temps partiel. Elles sont toujours sur-représentées dans des secteurs moins rémunérés. 

Et dans un couple, avec enfant, les femmes travaillent 9 heures de plus par semaine que les hommes gratuitement (travail domestique et éducation des enfants). 

"Les immeubles et les entreprises sont majoritairement transmis aux hommes"

Si ces inégalités de revenus sont connues et largement documentées, ce que l’on sait moins, c’est que lors des séparations ou d’héritage, les mécanismes de transmission de patrimoine bénéficient aux hommes. Dans l'étude "La transmission genrée du capital familial » dont il est co-auteur, Yves-Henri Leleu, Doyen de la faculté de droit de l’université de Liège, a enquêté auprès des notaires et des avocats. "Une des clés est de voir comment se transmettent les biens importants du couple et de la famille dans les situations où le patrimoine s'individualise, c'est-à-dire les divorces ou les successions, explique Yves-Henri Leleu, professeur de Droit des famille à ULiège. Avant nous, des autrices françaises ont fait une énorme enquête et ont constaté un phénomène interpellant: les biens les plus intéressants du couple- les immeubles, les entreprises - sont majoritairement reprises par les hommes". 

"On a une confiance plus grande en les hommes pour reprendre le capital"

"Pour diverses raisons. La première, c'est que les hommes ont plus de revenus, ils peuvent obtenir un crédit plus facilement et peuvent les reprendre plus souvent. L'autre raison, plus cachée, c'est qu'il y a une sorte de consensus, et des hommes, et des professionnels, et des femmes aussi, pour dire que ces biens-là seront peut-être mieux gérés par les hommes que par les femmes. C'est assez terrible. C'est une sorte de confiance plus grande en les hommes qu'en les femmes dans leur capacité à reprendre, à entretenir et à conserver le capital. Et cela, ça appelle à un idéal que nous avons tous en commun: cette idée qu'en cas de divorce ou de succession, il faut essayer de ne pas casser les "joyaux de la famille", de ne pas briser le capital. Et cela, cela contribue au fait que la transmission du capital est genrée dans notre société. Même si les règles sont égalitaires, les pratiques font que les hommes majoritairement sont détenteurs de capital intéressant".

Le choix du statut (cohabitation de fait, cohabitation légale, mariage en communauté ou mariage en séparation de biens) influent aussi sur le capital des hommes et des femmes. Pour Yves-Henri Leleu, le mariage en communauté protège chacun des époux. Mais la majorité des époux optent pour un mariage en séparation de biens (72% en 2020). D’où une des questions soulevées par l’étude, est-ce un choix éclairé? Est-ce que les deux partenaires comprennent bien les tenants et aboutissants? La cohabitation légale, par exemple, a aussi beaucoup de succès mais n'offre pas beaucoup de protection. 

 

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à consulter l'étude "La transmission genrée du capital familial".

Vous pouvez aussi envoyer vos questions à Yves-Henri Leleu, Doyen de la faculté de droit de l’université de Liège à yh.leleu@uliège.be

 


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