La conférence de l’ONU sur les changements climatiques, la COP 25, s’est ouverte ce lundi à Madrid. Les enjeux y sont réels. Et pour maintenir la pression sur les dirigeants de l’Union européenne, le parlement européen décidait jeudi dernier de déclarer l’urgence climatique et environnementale. Un parlement qui décidait aussi de signer un accord commercial avec les Etats-Unis leur permettant de faciliter les exportations de leur viande bovine vers l’Europe. Une décision jugée irresponsable et incohérente pour la FUGEA.
Audrey Degrange
La décision est passée inaperçue et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle attise la colère du monde agricole. Alors que l’Europe décrète l’urgence climatique, elle signe dans le même temps une ouverture de son marché à la viande bovine américaine. Des exportations pouvant aller jusqu’à 35 mille tonnes soit le double de ce qui est aujourd’hui autorisé. Une incohérence totale pour la Fugea. "Nous sommes en pleine COP25, les Etats-Unis se sont retirés des Accords de Paris et on va signer un traité commercial avec ce pays qui ne respecte ni l’environnement, ni le bien-être animal, c’est totalement incohérent!", s’insurge Luc Hollands, Représentant régional pour la Fugea.
D’autant plus que plane toujours la menace d’accord sur des traités comme le CETA et le Mercosur. Dans son exploitation laitière et bio à Francorchamps, Benoît Michel ne comprend pas non plus cette position de l’Europe et encore moins celle de certains eurodéputés belges du CDH et du MR qui se sont abstenus de voter contre cet accord. "On se demande vraiment quelle est la ligne politique, épingle Benoît Michel. Un jour, ils nous soutiennent et l’autre, ils vont voter une ouverture du marché donc c’est du marchandage. On sait très bien que c’est pour laisser rentrer des voitures et nous agriculteurs qui nourrissont les citoyens, nous sommes les dindons de la farce."
On déséquilibre surtout un modèle familial et une agriculture belge soumise, elle, à de strictes normes, ce qui est loin selon les agriculteurs d’être le cas aux Etats-Unis. "Nous, ça fait longtemps que nous ne nourrissons plus nos bêtes avec des farines animales. Aux USA, on peut toujours. Les conditions d’élevage ne sont pas du tout les mêmes qu’ici, poursuit l’agriculteur. Tout le monde a en tête ces paddocks où les bêtes sont l’une sur l’autre nourries avec des aliments dont on ne sait rien. En Belgique, tout est contrôlé. Puis on parle empreinte carbone et on fait venir de la viande de l’autre côté du monde alors qu’on en a bien assez."
Même trop, le marché bovin belge est saturé. Des veaux qui se vendaient autrefois jusqu’à 150 euros pièce n’en valent plus qu’une vingtaine. Les garder ou les tuer, le dilemme est grand dans un secteur en crise permanente. "On se demande vraiment quoi faire oui parce qu’on en a besoin pour le lait et en même temps ils ne rapportent plus rien", se désole Benoît Michel.
Désabusés, les agriculteurs comptent à présent sur le soutien et la prise de conscience du consommateur. "Ils ont un choix à faire, insiste Luc Hollands. L’agriculture durable existe encore mais il y a urgence pour la sauver."
Ce dimanche, la Fugea et d’autres organisations paysannes se mobiliseront à Bruxelle pour réclamer à l’Europe la défense de cette agriculture qui sauvera le climat.