Un ancien champion du monde cycliste, en l’occurrence « notre » Philippe Gilbert, poursuivi devant le tribunal correctionnel de Verviers, l’affaire n’est pas banale. Il est poursuivi ,en compagnie de son coéquipier Loïc Vliegen, à la suite d’un pugilat avec deux automobilistes, eux aussi poursuivis, qui s’est déroulé à Theux… il y a 7 ans et demi ! Un délai énorme mais suffisant pour que ce procès fasse plouf, aucune peine n’étant finalement réclamée.
On attendait Philippe Gilbert en personne, lui qui avait réclamé haut et fort un procès public, mais il n’est pas venu. Son avocate Me Julie Lodomez explique que le champion cycliste aurait voulu venir, mais que son employeur Eurosport n’a pas voulu le libérer de ses obligations contractuelles. Ce sont donc les seuls Loïc Vliegen et les deux occupants d’une voiture, les frères James et Stephen, qui sont venus s’expliquer et présenté deux versions évidemment bien différentes.
La scène se déroule en deux temps, le 8 avril… 2016 ! Les deux cyclistes professionnels font une sortie d’entraînement en vue de la course Liège-Bastogne-Liège et sont sur la route allant de Spa à Theux. Ils sont accompagnés d’un troisième larron, un cycliste amateur qui est venu se greffer à eux. C’est alors qu’ils sont dépassés par une BMW qui roulait très vite, selon Loïc Vliegen. Ce dernier raconte « Il roulait de manière agressive. Il m’a frôlé de très très près, au point que j’ai dû repousser Philippe avec qui je roulais de front (ce qui est confirmé par plusieurs témoins). J’ai eu un geste de colère. Il a alors freiné à bloc, au point de faire fumer ses pneus, je n’ai pu que l’éviter en me portant à sa hauteur et en m’accrochant à sa voiture. Il a alors donné un brusque coup de volant en se déportant complètement sur la gauche alors qu’une auto venait en face, et m’a attrapé par le bras. Si j’avais été un cycliste du dimanche, je ne serai plus là pour vous le dire. »
La version de James, le chauffeur de la BMW est bien évidemment très différente. « Ils roulaient à trois de front en bloquant pas mal de voitures derrière eux. J’ai essayé de les dépasser à plusieurs reprises. Lorsque j’ai pu le faire, un des deux m’a insulté et fait un bras d’honneur. J’ai ralenti, et Loïc s’est porté à ma hauteur et a tenté de me frapper à travers ma vitre ouverte. C’est en voulant me protéger que j’ai fait un écart bien involontaire sur la gauche. Je n’avais pas du tout l’intention de l’agresser. C’est eux qui étaient en tort ! »
Acte deux!
C’est quelques instant plus tard, au centre de Theux, que se déroule l’acte 2 de cette funeste rencontre. Les cyclistes et la BMW se revoient dans une circulation embouteillée. Là, selon plusieurs témoins, les deux cyclistes abandonnent leur vélo, et c’est Philippe Gilbert qui ouvre la portière de la BMW. Selon James, il voulait visiblement en découdre et avait de la bave aux lèvres. « J’ai tenté de le repousser à coups de pied, mais il m’a arraché de la voiture. Il a glissé et est tombé par terre, où je l’ai maintenu quelques instants. Puis j’au voulu porter secours à mon frère qui était agressé, mais Philippe Gilbert nous a gazés tous les deux avec un spray au poivre. Puis les cyclistes sont partis. » Dans l’aventure, Gilbert aura un doigt cassé. En donnant un coup de poing ? Ce n’est pas établi. Loîc Vliegen dira qu’il a vu un des deux lui croquer la main.
Tout ça pour ça
Pour Mme Clérin, ministère public, il est clair que dans la première scène, il y a bien entrave méchante à la circulation de la part de James. Et que pour la deuxième, s’il y a bien eu un pugilat entre les quatre hommes, pour les frères, on peut considérer que c’est de la légitime défense. Et Philippe Gilbert était bien porteur d’une arme illégale. Quant à sa blessure, son origine reste une énigme. Mais, en ce qui concerne la peine à prononcer, il serait vain de sanctionner 7 ans et demi après les faits. C’est pourquoi elle préconise une simple déclaration de culpabilité, sans qu’une sanction soit prononcée.
Plus de quatre heures d’audience pour en arriver là ! Jugement dans un mois. (Luc Brunclair)