Fin de l’année dernière, la bourgmestre de Plombières, Marie Stassen, publiait une lettre ouverte dans laquelle elle s’étonnait de l’accueil enthousiaste réservé par Jean-Luc Crucke, le désormais ex-ministre en charge des aéroports, sur l’arrivée du géant de l’e-commerce, AliBaba à Bierset. Et ce, à l’heure où des efforts sont demandés à la population et aux communes pour réfléchir sur leur consommation et leur impact environnemental. La bourgmestre y voit un énorme paradoxe. Sans parler du soutien financier apporté par la Région wallonne au développement de l’aéroport liégeois au détriment de projets plus locaux.
Audrey Degrange
Le 8 novembre dernier, l’ancien ministre en charge des aéroports, Jean-Luc Crucke, inaugurait le premier des trois entrepôts de Cainiao Network, la branche logistique d’Alibaba. 30 mille m2 installés en bord des pistes et destinés à accueillir des milliers de colis faisant de Liège, le principal hub du géant de l’e-commerce en Europe. Ce tapis rouge déroulé par la région wallonne dérange particulièrement la bourgmestre de Plombières qui n’a pas manqué de le faire savoir. Une sortie médiatique qui lui a valu une invitation à visiter les installations. Si la rencontre fut courtoise, Marie Stassen cherche encore la plus-value qu’Alibaba pourrait apporter. « Quand on leur a demandé la plus-value des produits amenés de Chine vers l’Europe, il n’y a pas eu de réponse, dévoile Marie Stassen. Il n’y en a pas, c’est la caverne d’Ali Baba. C’est un petit chapeau de sorcière pour Halloween que vous commandez sur le net et qui va venir directement, rien que pour vous par avion, c’est ridicule. »
Ridicule mais telle serait la demande des consommateurs que nous sommes justifiait alors Jean-Luc Crucke sans parler de l’emploi que cela crée sur le site. 220 pour l’heure et près de 900 à terme. « Mais quelle sorte d’emploi ? s’interroge Marie Stassen. Alors ce n’était pas l’enfer comme on peut l’imaginer. On a vu des personnes travaillant dans la logistique, c’est un métier lourd mais leurs conditions avaient l’air correctes. Par contre, ça tue tous les autres emplois. Imaginez n’importe quel entrepreneur qui veut se lancer en Wallonie, avec une concurrence déloyale, avec des produits si bon marché, c’est impossible. Son projet, il tombe à l’eau dès le départ. Par contre, si on donnait les aides qu’on donne à l’aéroport de Liège pour développer des petites entreprises, cela aurait une plus-value. On sait aujourd’hui qu’on doit relocaliser l’alimentation, le textile et plein d’autres choses. La situation actuelle empêche tout entrepreneur de démarrer. »
Si le directeur opérationnel de Cainiao à Liège affirme ne pas avoir bénéficié d’un seul euro d’investissement public, c’est bien celui consenti pour développer l’aéroport liégeois que dénonce Marie Stassen. « Ce que je veux surtout, insiste-t-elle. C’est amener au parlement wallon, ce débat sur le développement de l’aéroport. Faire un moratoire et non une fuite en avant. On a engagé plus d’un milliard d’argent public, depuis 20 ans, dans cet aéroport. Chaque année, plus de 40 millions d’euros sont injectés donc ce n’est pas un aéroport rentable. Et pour faire quoi? Si c’est pour développer des entreprises comme Cainiao, ça n’a pas de sens. Alors que nous, dans nos communes et notre arrondissement, on développe des centres logistiques avec Terre d’Herbage qui réunit des agriculteurs pour favoriser les circuits courts et là, on attend d’eux qu’ils soient rentables après un an et ils ont nettement moins d’argent public dépensé pour développer un tel projet. Je pense qu’il y a réellement un débat à mener. »
D’autant plus que des efforts sont demandés aux communes pour assurer la transition écologique. Là où les émissions de CO2 des activités de fret de Liège Airport ne cesseraient d’augmenter. « Je pense qu’on ne peut pas faire porter le poids de la transition sur les communes, les citoyens ou les petites entreprises uniquement. La région wallonne doit montrer l’exemple sinon c’est du greenwashing »
Tout serait-il donc permis à Bierset ? Ils sont nombreux à le penser mais peu à ose poser la question. La bourgmestre de Plombières souhaite, elle, des réponses et faire la lumière sur le réel ratio coût-bénéfice de ce qu’elle qualifie de course aveugle aux échanges internationaux.