Opération délicate ce matin à Verviers. La statue de Grégoire Joseph Chapuis a été déboulonnée puis déplacée de quelques dizaines de mètres pour permettre la poursuite des travaux sur la bien nommée place du Martyr. Une manoeuvre, vous allez le voir, très spectaculaire.
En ce matin ensoleillé, Chapuis s’habille d’un costume un peu rigide, pas très joli mais qui va le protéger pour les grandes manoeuvres: un coffrage... Il est emprisonné, sanglé mais cette fois c’est pour son bien. Il va reculer de quelques dizaines de mètres, un déplacement périlleux mais nécessaire.
"C’est une nouvelle étape dans le projet "Verviers, Ville conviviale", donc le réaménagement total du centre-ville. L’objectif ici, c’est vraiment de rendre la Place du Martyr aux piétons, au secteur Horeca et donc de faire une grande esplannade. Pour cela, on doit recentrer la voirie. La voirie + la statue, ce n’était évidemment pas possible d’avoir les deux et donc, on a déplacé Chapuis. Ce n’est pas un choix de gaïeté de coeur, on sait qu’elle était là depuis longtemps, qu’elle fait partie du patrimoine verviétois. A noter que ça va permettre aussi de gagner de l’espace, important en cas d’événement. Là où est désormais située la statue, on va réaménager le nouvel espace, fleurir tout cela, etc. Elle sera mise en valeur. C’est certes un grand changement mais c’est pour du mieux", assure Maxime Degey, l’échevin des travaux de Verviers.
L’opération est délicate...Il faut dire que la statue de Grégoire Joseph Chapuis pèse tout de même 32 tonnes, ce n’est pas rien! Il a fallu prendre toutes les précautions pour éviter une chute, une détérioration. "Il y a d’abord eu une étude technique avec un plan de levage pour être certain que ça fonctionne. Une société est venue faire du forage par en-dessous pour passer des sangles et des élagues. On a glissé des sangles de 30 tonnes par en-dessous. Au préalable, on avait mis des enerpac électriques et hydrauliques pour venir soulever la statue, pour déjà la décoller. La grue, c’est une 250 tonnes équipée avec 88 tonnes de balastres. C’est exactement ce qu’il fallait pour la distance à laquelle elle se trouvait. La particularité, c’est que la statue en soi restait sur le socle en béton donc il fallait vraiment trouver la technique pour lever bien droit, pour éviter que ça ne vascille. Il y avait des risques : on ne connaissait pas exactement l’ancienneté de la statue, on ne savait comment elle allait se comporter en la soulevant et en décollant la partie de la statue de son socle. Mais tout s’est bien déroulé, opération réussie", se félicite Jean-Philippe Servais, gestionnaire de projet pour l’entreprise Havart S.A.
Garder Chapuis sur cette place est indispensable, c’est ici que ce chirurgien verviétois a été mis à mort, décapité au sabre en 1794. Il n’avait que 32 ans. "Lors de la Révolution de 1789, le Prince-évêque doit partir, il est chassé et Chapuis va prendre des responsabilités notamment au niveau de l’état civil. C’est ainsi qu’il va recevoir une promesse de mariage. Ce sont les prémices du mariage civil. En 1793, le Prince-évêque de Méan est remis sur le trône. A ce moment-là, Chapuis va être arrêté, emprisonné, jugé et condamné selon la loi de l’époque", rappelle Louis-Bernard Koch, historien verviétois.
Détail important : il a fallu faire attention à l’orientation de la statue, le regard de Chapuis devant être tourné vers le siège de l’ancien parti catholique au siècle dernier. "On raconte qu’il toise l’église puisque c’est un partisan du pouvoir civil, bien qu’à la fin de sa vie il ait écrit des lettres manifestant sa croyance en Dieu. Il est important de remarquer que le clocher de l’église Notre-Dame n’éxistait pas encore mais le couvent était là, c’était une église donc il était orienté d’un air fier vers l’église", précise encore Louis-Bernard Koch.
Aujourd’hui, Chapuis fait l’objet de toutes les précautions pour que cette statue, symbole de la laïcité, de la libre pensée, des droits humains aussi, soit préservée.
Et après la phase symbolique avec ce déplacement de la statue de Chapuis, les travaux d’aménagements de la place du Martyr vont pouvoir se poursuivre : avec d’abord les impétrants puis les égouts avant de commencer les aménagements de la place. La fin des travaux Place du Martyr est prévue pour le printemps 2024.
Renaud Collette