Il y a dix ans la crise du lait faisait rage. Un litre de lait payé à peine 0,18 cent, la situation est catastrophique. Par dépit, les producteurs décident alors de se rassembler à Ciney. Ils vont alors déverser 3 millions de litres de lait dans les champs. Les images feront le tour du monde. 10 ans plus tard, ils sont de retour mais fondamentalement rien n’a changé.
Audrey Degrange
Le rond point des vaches à Battice, c’est un lieu de rassemblement historique pour les agriculteurs. La mobilisation annoncée était forte. Une cinquantaine de tracteurs attendus. Il ne sont finalement qu’une petite dizaine à arriver au compte goutte au point de rendez-vous provoquant chez les plus fins observateurs un certain étonnement... il y aurait-il une lassitude chez nos agriculteurs ?
"Non pas de lassitude rassure Willy Deckers, Agriculteur à Jalhay et porte-parole du MIG. Nous avons décidé d’un point de rassemblement et les tracteurs vont nous rejoindre sur le trajet jusqu’à Ciney." "C’est plus une commémoration aujourd’hui nous glisse Marc Bonaventure, Agriculteur à Pepinster et Porte-parole du Mig. Nous alertons une nouvelle fois sur ce prix du lait trop bas par rapport à nos coûts de production."
0,31 cent le litre de lait, c’est le montant actuellement payé aux producteurs. Un prix dérisoire...0,14 cent en dessous de ce qui permettrait à l’agriculteur de pouvoir se verser un salaire et... survivre.
En 10 ans, la situation n’a donc pas changé. Pire, elle s’est aggravée.
"On a eu le MR au gouvernement qui n’a rien fait pour l’agriculture. Il a levé les quotas sans mettre autre chose en place donc ça a fait chuter les prix de manière phénoménale. Les agriculteurs ont disparu en masse, la moyenne d’âge est de 57 ans. Il y a moins de 500 jeunes qui ont repris des fermes et dans dix ans, on va se retrouver dans une situation qui va être explosive", garantit Willy Deckers.
Car l’ultra-libéralisme et les accords de libre échange sont aussi passés par là mettant les agriculteurs en concurrence permanente. "Prenez le Mercosur, ils ont ouvert les frontières et proposent de la viande qui ne respecte pas les mêmes normes que nous, c’est une concurrence déloyale", note encore notre agriculteur.
Et Gilles Neycken, jeune agricultreur à Andrimont sur la commune de Dison d’ajouter "Une fois encore, on utilise l’agriculture comme une monnaie d’échange, en bradant les prix. C’est la loi de l’argent" s’insurge-t-il "Notre travail, on s’en fiche alors qu’on est là pour faire un produit de qualité, garant du bien-être animal. On nous prend notre nourriture et on ne pense à rien d’autre, c’est juste une valeur et on est là pour le dénoncer."
Mobilisé, le monde agricole l’est depuis 10 ans. Une décennie à alerter dans le vide. Car l’urgence d’hier est toujours celle de demain. Aujourd’hui, c’est donc un geste fort que les agriculteurs attendent au risque d’être définitivement réduits au silence.