C‘est au départ une affaire qui n’aurait pu être qu’un banal fait divers mais qui s’était terminée par ce que la justice qualifie de tentative de meurtre. Le tribunal correctionnel devait trancher dans un dossier assez confus, où un Verviétois de 27 ans risquait quand même 5 ans de prison ferme.
Il est cinq heures du matin, le 13 mai dernier, lorsque Antoine rentre chez lui, à pieds, passablement éméché. Il prétend être suivi sans raison apparente depuis la rue du Collège par une BMW qui semble assez agressive à son égard. Arrivé avenue Mullendorf, excédé, il saisit un panneau de signalisation et brise la vitre arrière de la voiture. C’est alors que le conducteur, Murad, qui lui aussi est bien imbibé et pas rien qu’à l’alcool, se met à grimper sur le trottoir et à venir lui chatouiller les mollets.
Antoine appelle alors son beau-frère qui vient le rechercher en camionnette. C’est au moment où Antoine passe derrière celle-ci que Murad aurait foncé sur lui au point qu’il a dû sauter sur le capot pour sauver sa vie. Dans ses manœuvres agressives, Murad a d’ailleurs embouti deux voitures, la police retrouvant la sienne à contresens de la chaussée. Il passera un mois en détention préventive.
Ca, c’est pour la version d’Antoine. Celle de Murad, prévenu de tentative de meurtre, est bien différente. Selon lui, il dormait ou plutôt cuvait dans sa voiture lorsque quelqu’un a ouvert la porte arrière, sans doute un voleur qu’il dit avoir vu tenté d’ouvrir plusieurs voitures. Il le suit alors pour tenter de l’identifier, et téléphone à la police. Il nie avoir cherché à le toucher et encore plus avoir foncé sur Antoine.
Il n’aurait pas tenu compte du conseil de la police
Ce n’est pas ce dont est convaincu Me Miserotti, partie civile pour Antoine et son beau-frère, qui avait démontré l’impossibilité matérielle des déclarations de Murad. Pour lui, il y a bien tentative de meurtre. « Quand on fonce avec une voiture d’ 1,5 tonne sur 100 kg de chair humaine, c’est à tous les coups la voiture qui gagne. La volonté de tuer est bien réelle. »
C’est aussi la conviction de Mme Wéry, ministère public, qui signale que Murad était positif à la cocaïne, au cannabis et à l’alcool et qui retrace son passé judiciaire, assez lourd : condamnation à 15 mois pour coup et blessures, une autre à 15 mois aussi pour stupéfiants, et une toute récente pour ivresse au volant. Elle soulignait surtout cette petite phrase, prononcée à trois reprises lors de son coup de fil à la police : « Qu’est ce je dois faire ? Lui foncer dessus ? » Il n’aurait pas tenu compte de la réponse évidemment négative du policier, furax qu’on lui ait cassé sa vitre arrière. Elle réclamait 5 ans de prison ferme.
Pas possible de trancher
Mais son avocat Me Zevenne contestait cette vision des faits. Murad n’a pas foncé sur Antoine, sinon il aurait percuté la camionnette. Il n’a pas cherché à tuer, seulement à impressionner. Rien ne vient étayer une intention de tuer, rien ne permet de trancher dans ce sens. Et d’ailleurs, téléphone-t-on à la police quand on a cette intention ? Il réclamait son acquittement, en tout cas pour la tentative de meurtre, car le tribunal pourrait tout au plus retenir des menaces avec arme.
C’est effectivement le raisonnement qu’a suivi le tribunal, estimant qu’il n’était pas possible d’établir une réelle tentative d’homicide. Il a donc acquitté Murad de ce chef, mais requalifié les faits en menaces avec armes, ce qu’il a sanctionné de 6 mois de prison avec sursis. Il devra en outre payer 750 € à chacune des deux victimes, et 600€ en frais de procédure. Mais la plus dure sanction pour Murad sera sans doute la confiscation de sa BMW.