C’est une affaire assez compliquée qu’a dût juger le tribunal correctionnel de Verviers. Deux frères, impliqués dans une rixe avec un troisième homme, sont actuellement en prison, dont l’un est accusé de tentative de meurtre. La victime a eu une oreille en partie sectionnée d’un coup porté à proximité de la carotide par un objet tranchant, probablement des ciseaux. Une histoire nébuleuse, comme l’est l’origine de la querelle entre les 3 hommes. En tout cas, les deux frères se disaient innocents de cette accusation, malgré des témoignages assez précis les impliquant. Qui ont convaincu le tribunal de leur culpabilité.
La scène se déroule en plein centre de Verviers, rue des Raines, le 23 janvier dernier, vers 13 h. Trois témoins la décrivent, dont l’un est très précis dans la description physique et vestimentaire, qui correspond exactement aux relevés photographiques faits par la police arrivée très vite sur place. Il décrit une agression de deux hommes commis sur un troisième, jeté à terre et roué de coup, avant que l’un d’eux ne porte un coup avec un objet d’abord dans le dos puis en direction du cou de la victime, dont l’oreille sera pendante. Une dame, qui était à sa fenêtre en train de fumer une cigarette, décrit la même scène qui est confirmée par un troisième témoignage.
Tous les trois parlent de l’objet utilisé par un des agresseurs comme étant des ciseaux, ciseaux qu’on n’a jamais retrouvés. Par contre, on a retrouvé sous une voiture un couteau, dont l’analyse ne permet pas d’impliquer l’un ou l’autre des protagonistes.
Pas concernés par cette histoire
Jehad (34 ans) et son frère Abad (24 ans) ont donc comparu toujours détenus devant le tribunal correctionnel. C’est Jehad, qui a le statut de réfugié depuis 5 ans maintenant, qui est accusé de la tentative de meurtre sur un certain Hocin. Ce dont il se défendait ardemment. « Je ne suis pas du tout concerné par un éventuel coup de couteau, je n’ai jamais porté atteinte à quelqu’un. Ce que je vis en prison est inimaginable. C’est Hocin, que je ne connaissais pas, qui nous a agressé à propos d’un gsm qu’on lui avait volé, mais je n’ai rien à voir dans cette histoire. Il a jeté mon frère au sol, puis a sorti un couteau. On s’est alors enfui. » Et la blessure d’Hocin à l’oreille, alors ? « Il a dû se faire ça lui-même »
Son frère Abad, qui lui est en situation irrégulière après le refus d’un statut de réfugié, n’est qu’accusé de coups et blessures, ce qu’il niait également. « J’étais au sol, je n’ai donc pas pu porter des coups » avait-t-il réfuté. Tiens, à la police, il avait reconnu avoir donné un coup de poing à Hacin parce que celui-ci avait insulté sa mère qui était en train de mourir quelque part dans son pays.
Une soit-disant automutilation
Pour Mme Wéry, ministère public, si la cause de leur querelle restera inconnue, il est indéniable qu’il y a bien eu tentative de meurtre, avec deux coups portés à des endroits vitaux. Trois témoins décrivent de la même façon et précisément une scène très violente, en impliquant les deux prévenus, que la police a trouvé d’ailleurs avec du sang sur les mains. Elle réclamait 3 ans de prison pour Jehad, en précisant qu’il est bien connu des services judiciaires où plusieurs dossiers le concernant sont ouverts, et 10 mois pour son frère.
L’avocat de Jehad, Me Ahriga, réfutait toute intention de tuer chez ce dernier, et demandait une requalification des faits en coups volontaires, avec un sursis probatoire. Même chose pour Me Hanquet, qui estimait que les 4 mois passés en prison suffisent pour le seul coup de poing qu’Abad ne peut nier.
Le tribunal s’est fondé sur les témoignages précis et fiables, au contraire des déclarations variables et incohérentes des prévenus, pour les déclarer coupables de l’agression, les blessures n’étant pas compatibles avec une soi-disant automutilation. Toutefois, celles-ci ne permettent pas d’établir une réelle intention homicide, et donc il requalifie les faits en coups et blessures volontaires, qu’il sanctionne de 2 ans de prison pour Jehad, de 10 mois pour Abad, les deux avec sursis pour le surplus de la détention préventive, soit 5 mois.